LA LINGUO INTERNACIONA IDO
Ido-France

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La Langue de la Délégation par le professeur Otto Jespersen

HISTOIRE DE L'IDO

LA LANGUE DE LA DELEGATION

par le professeur Otto Jespersen

Traduit de l'Ido par L.Landais, août 2004


En juin 1907 la Délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire internationale, conformément à ses statuts, a élu le comité qui devait décider quelle langue artificielle est la plus adaptée pour être introduite dans des communications internationales.

La comptabilité des bulletins de vote était contrôlée par le bien connu général français Sebert. En octobre de la même année le comité ainsi élu est venu siéger à Paris, où s'est déroulé au total 18 longues et fatigantes séances. Tous les élus ne sont pas venus. Quelques uns avaient utilisés le droit octroyé par les statuts d'envoyer un suppléant par procuration. Les membres assistants avaient les langues natives suivantes: Français, Allemand, Anglais, Danois, Italien, Polonais(Russe). Les sciences suivantes étaient représentées: linguistique, astronomie, mathématique, chimie, médecine, philosophie.

Etaient élus comme président d'honneur l'astronome Förster de Berlin qui cependant n'a pu participer seulement qu'à peu de séances, comme président le chimiste Ostwald de Lieptzig ( prix Nobel ), comme vice-président les deux professeurs de linguistique, Baudoin de Courtenay de St Petersbourg et moi. Avec le plus grand zèle et persistance ont participé aux discussions outre les linguistes justes mentionnés, le secrétaire professeur Couturat de Paris, le recteur Boirac de Dijon (président du Comité Linguistique espérantiste), le suppléant de ce dernier, Gaston Moch ( à qui on a permis de participer aussi aux séances auxquelles M.Boirac lui-même pouvait assister), M.P.Hugon (représentant de W.T.Stead) et le mathématicien professeur Peano de Turin. Les discussions ont été conduites presque tout le temps en France; quelques fois pourtant le professeur Baudoin de Courtenay préférait parler en allemand et parfois M.Peano parlait dans son Latina sen flexiono. Les discussions au sujet de Parla de M. Spitzer (voir dessous) ont été conduites selon son désir tout en allemand. Les débats ont été dirigés avec une super habileté par M.Ostwald, qui était capable de prévenir les trop violentes manifestations des passions, et qui par son talent spécial de synthèse philosophique avait une capacité remarquable à saisir les principes et grands principaux points de vue et d'empêcher les débats de se perdre en détails.

Avant les séances à Paris avait été fait un important travail. Messieurs Couturat et Leau déjà en 1903 dans Histoire de la langue universelle avaient donné un résumé critique des systèmes de langues artificielles nés jusqu'à lors et l'ont supplété en 1907 par Les nouvelles langues internationales . Nous avons reçu de très nombreux livres et brochures au sujet de toutes les langues les plus importantes et en plus plusieurs lettres d'inventeurs, de défenseurs et d'opposants. Les lettres adressées à la Délégation comme telles et non à des membres individuels du comité, étaient résumées et analysées par les secrétaires dans une importante brochure écrite à la machine que nous recevions environ un mois avant la séance; cette brochure contenait aussi un article critique au sujet de l'état du problème d'alors, qui après était imprimé sous le titre Conclusions du rapport. Pendant la séance arrivaient aussi des lettres, entre autres de l'éminent linguiste anglais Sweet, du Dr.Zamenhof, du chef des naturalistes Rosenberg. Ainsi nous avions un matériel conséquent et considérable, dont plusieurs systèmes non-publiés présentés à notre examen.

Les inventeurs des systèmes linguistiques avaient été invités à assister soit en personne ou par un représentant pour défendre leurs systèmes. Cette offre a été utilisée par Dr.Nicolas (Spokil), M.Spitzer (Parla) et M.Bollac (La Langue bleue); de plus, Dr.Zamenof s'était fait représenter par M.de Beaufront, qui pendant de nombreuses années avait propagé l'Espéranto; et en guise de représentant du Neutral est venu M.Monseur, professeur de linguistique comparative à Bruxelles; cependant sa plaidoirie avait le caractère moins d'une défense positive pour le Neutral que d'une zélote et experte accentuation des faiblesses de l'Espéranto. De ces discussions avec des extérieurs deux épisodes méritent une mention à part: Dr. Nicolas emphasait comme avantage de son système fondé sur des principes "à priori", qu'il est construit selon une solide étude des lois de la mnémonique et par conséquent est particulièrement facilement mémorisable. Pourtant il fut presque offensé lorsque j'ai voulu commencer à l'interroger au sujet de son propre dictionnaire, et ainsi il est apparu qu'il ne pouvait pas mémoriser les mots qu'il avait fait lui-même. M.Bollac a présenté en un très éloquent discours sa La Langue bleue, pour la propagation de laquelle il avait sacrifié beaucoup d'argent; il a terminé par une déclaration que même si il souhaite (comme on comprend) que sa langue soit adopté, il veut pourtant accepter le verdict du comité expert, si il en résulte autrement : cette promesse il l'a tenu loyalement en étant maintenant membre de l'organisation Ido à Paris.

Pendant les discussions on a vu bientôt, que pas même un membre du comité était prêt à accepter une langue du type a-priori contenant des mots choisis arbitrairement, mais que tous privilégiaient le plus large utilisation des éléments déjà internationaux des langues naturelles. L'élection était donc réduites aux langues du groupe dont les meilleurs représentants connus sont l'Espéranto, le Neutral, le Novilatin et l'Universal, qui peuvent à mains égards être considérés comme des variantes du même type de langue. A part les deux premiers, comme langues les mieux travaillées et pensées, finalement ont joué un rôle majeur dans les débats, et les avantages des uns étaient comparés aux autres. A la faveur du Neutral était l'alphabet naturel sans lettre circonflexée, dont l'Espéranto seul parmi les presque cent langues artificielles osait offrir au monde, de plus la sélection naturelle des mots pour beaucoup de cas, à part pour les pronoms, où on critiquait fortement le système a-priori, totalement artificiel de l'Espéranto. D'un autre côté dans l'Espéranto davantage était fait pour prévenir les doubles sens; les formes de mots souvent crues et disgracieuses du Neutral étaient évitées, et en utilisant partout différentes terminaisons dans les différentes classes de mots on aboutissait à ce que n'importe qui qui apprenait une fois ce système facile pouvait rapidement et sûrement s'orienter dans les phrases, d'une manière qu'une claire compréhension en résulte; en même temps les nombreuses voyelles finales produisent une euphonie et rendent plus facile la prononciation à toutes les nombreuses nations, dont les langues utilisent seulement rarement des consonnes dans la terminaison des mots.

De façon très détaillée ont été discutés les principes pour l'internationalité du choix des mots, pour la formation des mots (dérivation) e pour l'unicité du sens. Pour le premier on approuva l'idée que j'ai proposé à Tilskueren, 1905, que l'internationalité ne doit pas être mesuré selon le nombre des langues dans lesquelles le mot est trouvé, mais selon le nombre des hommes qui par leur langue natale le connaissent. La discussion sur la formation des mots s'est occupé en partie de la dissertation que M.Couturat avait publié peu de temps avant, Etude sur la dérivation en Espéranto; ses principes étaient défendus avec succès par M.Couturat contre M.Boirac, qui affirmait la supériorité du principe de Zamenhof.

Durant la dernière séance le centre des discussions était le projet anonyme Ido, qui avait été présenté par M.Couturat à la place de l'auteur; aucun parmi les membres du comité ne savait autre chose au sujet de l'auteur que du négatif, qu'il était dû ni à Couturat, Léau, ni à quelque membre du comité lui-même. C'était une espèce d'Espéranto, dans lequel avaient été pris en compte les critiques que de nombreux côtés on avait déjà faite précédemment à la langue de Zamenof et ainsi il montrait sur plusieurs points le milieu souhaité entre Espéranto et Neutral. Par l'examen de détail de ce projet on ne l'a pas approuvé pourtant dans toutes ses particularités, ni concernant la grammaire ni concernant la sélection des mots; et cette langue (jamais publiée) par conséquent en de nombreux points différe de ce qui est maintenant connu sous le nom de l'Ido.( Ce fait est mémorable parce que de nombreuses objections dirigées contre le grand changement de la langue de la Délégation sont fondées sur la différence entre le projet et la langue finale bien qu'évidemment il n'est pas juste d'introduire ainsi dans le débat un brouillon jamais publié.)

Parce qu' on a vu que c'était impossible de discuter à fond et décider de tous les innombrables petits détails, on s'est réuni pour l'élection d'un plus petit sous-comité pour ce travail, et après cela on a adopté unanimement (donc aussi avec les votes des Espérantistes) la déclaration suivante: "Aucune parmi les langues existantes peut être acceptée en bloc sans changements. Mais le Comité décide principalement d'adopter l'Espéranto pour sa relative perfection et pour le large et multiple usage qui en a été déjà fait, mais sous réserve de plusieurs changements exécutables par la Commission permanente (le sous-comité mentionné au-dessus) dans le sens indiqué par la fin du rapport des secrétaires et par le projet Ido, et si possible en accord avec le comité linguistique espérantiste."

Par égard à la collaboration avec le comité espérantiste on décida que ce verdict provisoire ne serait pas publié. De source compétente on nous avait donné bon espoir que le Lingva Komitato pourra facilement être d'accord avec nous pour tout ce qui est essentiel, et nous nous sommes séparés le 24 octobre confiants que bientôt réussira une union de tous les amis de l'idée d'une langue mondiale autour de l'Espéranto réformé.

Mais bientôt est apparu qu'il existait dans le mode espérantiste des éléments très opposés à cette collaboration. Dr. Zamenhof, qui plusieurs fois avait déclaré qu'il se soumettrait, si un comité scientifique compétent changeait sa langue " jusqu'à ne plus la reconnaître" - Dr Zamenhof, qui lui-même en 1894 avait proposé des changement radicaux en Espéranto ( dont plusieurs changements concordent avec ceux que nous avons exécuté) - qui deux fois aussi tard qu'en 1906 proposait des réformes qui n'étaient pas publiées par les Espérantistes ( entre autres je mentionne -e au lieu de -au , de la terminaison du pluriel -j : bona patro au lieu de bonaj patroj, kom au lieu de kiel, Anglio au lieu de Anglujo, breva au lieu de mallonga, mem au lieu de malpli, sub au lieu de malsupren) - Dr. Zamenhof qui même après la clôture de nos séances nous avait envoyé quelques petites propositions de réforme dans sa langue - ce même Dr.Zamenhof subitement maintenant, en janvier 1908, rompit toute discussion avec nous, déclara que la Délégation dans son ensemble "n'existe pas " pour lui, et après cette période il soutien l'Espéranto inchangé et rigide sans écarter certains des défauts que des praticiens et théoriciens avaient concordement démontré.

Les principales revues d'Espéranto combattirent la nouvelle langue en partie par un silence systématique au sujet de sa réelle nature, en évitant des discussions sur les réelles questions (linguistiques), en partie par une série d'attaques personnelles. (La revue danoise d'Espéranto longtemps fut une exception honorable de ces attaques.)

Les attaques personnelles se concentraient en partie autour de M.L.de Beaufront, principalement parce qu'on savait qu'il était l'auteur du projet anonyme Ido en même temps qu'il représentait le Dr.Zamenhof devant le comité. Ici j'ai l'intention ni de défendre ni de condamner le côté moral de sa conduite; pour moi comme pour certains membres du Comité la pure question objective au sujet des qualités nécessaires de la langue à adopter était toujours seulement décisive; et notre résultat final n'aurait absolument pas pu devenir autre, même si Dr.Zamenhof lui-même avait assisté personnellement devant nous. Nous tous connaissions très bien l'Espéranto, qui était fortement représenté dans nos séances, entre autre par le recteur Boirac; une certaine partialité contre l'Espéranto ne pouvait être allégué. En regrettant qu'aucun sténographe n'ai assisté pour écrire chacune de nos discussions à Paris, si il avait existé un rapport officiel sténographié, alors, selon ma ferme conviction, la plupart des attaques et contre de Beaufront et contre tout le Comité auraient échoué fiasquement et sans effet. Alors on aurait vu que personne dans nos discussions n'avait besoin de craindre une publication, mais qu'elles étaient des discussions sérieuses, solides et objectives entre compétences, qui n'avaient aucun autre but qu'une connaissance de la vérité. Heureusement aussi la grande majorité des membres du comité se tenaient hautement au-dessus toute espèce de suspicion.

On a dit très souvent, que nous devions seulement choisir entre les systèmes déjà existants, mais que nous allions au-delà de notre compétence en exécutant ou en proposant des changements dans un d'eux; mais à cela on peut répondre : notre droit de faire cela est reconnu indirectement par Dr.Zamenof, lorsqu'il nous pria avec insistance de ne pas faire de grands changements dans l'Espéranto, et directement par les adeptes du Neutral et des autres systèmes. Personne aurait contesté notre droit d'adopter le Neutral sous réserve de nombreux changements, par lesquels cette langue fut rendue proche de l'Espéranto - et le résultat final aurait été totalement le même que la langue existante de maintenant. Si nous préférions mentionner précisément l'Espéranto comme le fondement , qui était adopté dans une forme modifiée, cela a été fait par égard aux Espérantistes avec gratitude pour leur important travail pour rendre l'idée d'une langue mondiale connue et populaire, et non pour une quelconque autre cause.

Après la rupture on a travaillé pour perfectionner les dictionnaires et la grammaire; ils ont été publiés au printemps 1908, les premiers avec une préface de moi, qui résumait le fondement théorique de la langue. Dans laquelle j'avais formulé pour la première fois le principe qui ensuite était souvent cité avec approbation : " LA MEILLEURE LANGUE AUXILIAIRE INTERNATIONALE EST CELLE QUI EN TOUS POINTS OFFRE LA PLUS GRANDE FACILITE AU PLUS GRAND NOMBRE D'HOMMES."

Presque simultanément selon une proposition faite par Ostwald et avec un programme approuvé par lui et par d'autres membres du comité fut fondé la revue Progreso. Dans laquelle on discutait librement et à partir de nombreux points de vue les principes et les détails de notre langue; et bientôt il apparaissait que ce, contre quoi les plus nombreuses critiques de nombreux pays s'opposèrent le plus, étaient des mots et des formes d'Espéranto, que nous avions laissé continuer, quelques fois contre nos propres principes. Après qu'une Union des amis de la langue internationale fut formée, ses membres ont élu une Académie pour décider au sujet des questions linguistiques discutées dans Progreso, et cette académie pendant les années passées améliora de nombreux points de la langue, de façon que maintenant très peu de travail reste à faire, si on fait abstraction de la sélection des mots pour toutes les notions spéciales et techniques. De nombreux Idistes de nombreux pays aidèrent au résultat d'une langue qui en presque tous rapports est vraiment excellente; parmi les plus sérieux et laborieux collaborateurs je veux mentionner notre infatigable secrétaire et rédacteur L.Couturat à Paris, Paul de Janko à Constantinople et Birger Jönsson à Copenhague. C'est très important de faire remarquer que la langue Ido actuelle n'est pas le travail d'un individu, mais un condensé des efforts de nombreuses années et de nombreux hommes pour produire une langue aussi facile, claire et riche que possible - une langue que et des savants et des praticiens peuvent recommander au plus large usage dans toutes relations internationales.

GENTOFTE, Copenhague, Danemark, Juin 1912